27 avril 1996 : Canal+ passe au numérique


Avril 1996 : la chaîne cryptée passe au numérique et lance deux déclinaisons : Canal+ Jaune et Canal+ Bleu. Explications sur le fonctionnement de ce multiplexage.

« Canal+ en numérique, c’est trois fois Canal+ et même davantage ! ». C’est avec ce slogan que la chaîne cryptée lance son offre numérique le 27 avril 1996. La télévision numérique promet de transformer l’expérience télévisuelle des abonnés, avec davantage de choix et une qualité de diffusion supérieure. Elle introduit la possibilité de voir les programmes dans plusieurs formats d’image (4/3 et 16/9), de choisir entre plusieurs langues pour les films (version originale ou française), et d’écouter le son en stéréo ou Dolby Surround. Focus sur le fonctionnement technique des premières années de Canal+ Jaune et Canal+ Bleu.

Trois fois Canal+


Dès 1992, Canal+ se préparait à l’arrivée du numérique en France. La chaîne avait quitté ses bureaux de la tour Olivier de Serres pour installer son siège au quai André Citroën, où elle avait équipé ses régies de tout le matériel nécessaire pour la diffusion numérique : ordinateurs, magnétoscopes numériques, et outils de traitement d’image de pointe. Pour les nouvelles chaînes Canal+ Jaune et Canal+ Bleu, leurs régies jumelles bénéficient de cette expérience et d’une liaison tout numérique avec la régie finale de la chaîne mère pour proposer aux abonnés numériques les déclinaisons de Canal+.

L'équipement numérique de la régie de Canal+


En 1996, l’équipement numérique de la régie finale de Canal+ peut se résumer de manière assez simple : traitement des images au standard “4:2:2” (720 points par ligne, 576 lignes utiles, vidéo en composantes numériques, compatibilité 4/3 et 16/9ème), gestion simultanée de 4 sons, télétexte, le tout piloté en temps réel par des outils informatiques.

A l’origine, le cahier des charges de Canal+ Jaune et Canal+ Bleu était le suivant : réaliser 2 régies finales pour diffuser de 9h00 à 2h00 du matin des programmes déjà passés sur Canal+ quelques jours, voire quelques heures plus tôt, réarrangés suivant de nouvelles grilles sans publicité, avec la même qualité d’image et de son que lors de la première diffusion. En outre, chaque régie doit pouvoir délivrer 2 sons stéréo simultanés (en Version Originale/VO et en Version Française/VF des films) et 2 sous-titrages simultanés (français et malentendant pour certains programmes) avec, en plus, des donnés en temps réel sur le format et la nature du programme qui alimente le “Pilote”, le nom que Canal+ donnera au dispositif d’information sur les programmes en temps réel sur son décodeur numérique, le Mediasat. Conçu et supervisé par l’ingénérie de Canal+, l’étude du système s’est déroulée de février à juin 1995, et l’installation a eu lieu en août de la même année.

Un fonctionnement en réseau


Le service programmation de Canal+, qui conçoit les grilles de Jaune et de Bleu, les transmet sous forme de fichier informatique à la station de préparation antenne (un serveur “Trafic Scheduler”), qui réalise un “préconducteur” des deux déclinaisons. Ce premier conducteur est en effet réalisé avec une précision relative dans la mesure où il fait figurer des durées indicatives, à quelques minutes près, pour les directs. De plus, il ne peut être tenu compte des aléas, ni des dernières minutes.

Ces fichiers sont par la suite enrichis par les informations issues de la médiathèque (une fiche de bande pour chaque programme, qui comprend : la durée, les formats d’image et de sons, le télétexte, le genre, le code de moralité…) puis transmis aux automates de diffusion, qui disposent alors du conducteur finalisé.

Deux nouvelles programmations pour Canal+


Les grilles de Canal+ Jaune et Canal+ Bleu sont conçues par le service de la programmation de Canal+ afin d’apporter un service supplémentaire à l’abonné : regarder ce qu’il préfère de Canal+ (films, sport, documentaires…) lorsqu’il le souhaite. Voici quelques principes retenus pour remplir cette mission : sur Canal+, un film est diffusé 6 ou 7 fois en l’espace de deux semaines. Avec les deux autres chaînes, ce même film est diffusé 7 fois sur Jaune en deux semaines et 7 fois sur Bleu pendant les deux semaines suivantes : le même film est ainsi diffusé tout au long du mois à des horaires différentes. Les “directs”, émissions quotidiennes de cette époque (Nulle part ailleurs, La grande famille…) et les retransmissions sportives, sont, quant à eux, rediffusés “très frais” dans les 24 heures sur Jaune et Bleu. Enfin, les programmes hebdomadaires sont proposés dans la première semaine qui suit leur première présentation. D’autre part, sur Jaune et Bleu, la publicité et les flashes d’informations disparaissent. En contrepartie, l’annonce du programme des quelques heures à venir fait régulièrement son apparition (grâce à des générateurs de caractères) respectivement sur fond jaune et fond bleu.

In fine, les 3 signaux 4/3 (Canal+, Canal+ Jaune, Canal+ Bleu) et le format 16/9e sont disponibles en standard 4:2:2 à la sortie des régies. Pour leur transport vers le CDN (Centre de diffusion numérique) située à l’époque à Boulogne Billancourt, chaque programme est faiblement compressé au passage dans un codeur à 34 Mbit/s. La liaison Canal+ numérique vers le CDN est composée de 6 fibres optiques qui transportent chacune un programme codé sur 34 Mbit/s (les 4 programmes précédents et 2 liaisons secours). A l’arrivée au CDN, un décodeur 34 Mbit/s professionnel reconstitue le signal au format 4:2:2 d’origine, avant de le coder et de l’embrouiller au standard numérique MPEG 2/DVB.