Music Box

Création le 20 mars 1984
Disparition le 30 janvier 1987

Actionnaires
1984 – 1986 : 50% : Thorn EMI – 40% : Virgin – 10% : Yorkshire Television
1986 – 1987 : 60% : Virgin – 20% : Yorkshire Television – 20% : Granada

Distribution
Eutelsat ECS-1 | Réseaux câblés

Music Box : la boîte à musique


Music Box a vu le jour le 20 mars 1984. Émise depuis Londres et diffusée dans toute l’Europe via le satellite Eutelsat ECS-1, elle a été reprise sur de nombreux réseaux câblés européens, se positionnant comme l’une des premières chaînes paneuropéennes. Avant de devenir une chaîne à part entière, Music Box était le programme musical de Sky Channel, lancé en janvier 1984, avec 8 heures de vidéoclips produits et diffusés par Thorn EMI.

Pour rappel, en novembre 1983, le gouvernement britannique a accordé des licences temporaires à des industriels privés pour la création de réseaux câblés au Royaume-Uni. Ainsi, la question des programmes se posait et dès 1984, de nombreux groupes industriels ont commencé à concevoir (avec optimisme) des programmes diffusés par les satellites européens Intelsat et ECS-1 destinés à la future multitude de câblés.

En mars 1984, Thorn EMI a décidé de se lancer seul dans l’industrie des programmes, jouant sur la spécificité de la télévision par câble : la possibilité de cibler le public avec une offre de chaînes spécialisées, dont Prem1ere (cinéma), The Children’s Channel (jeunesse) et Music Box. Cette dernière avait un capital partagé entre Thorn EMI (50 %), le groupe de production de disques Virgin (40 %) et Yorkshire Television, l’une des quinze sociétés régionales de la chaîne commerciale ITV (pour le reste).

Music Box sur Sky Channel - avril 1984 - merci à interactv (Greg)

Une véritable chaîne pan-européenne


Miseant sur le succès de la chaîne américaine MTV, les programmes de Music Box, constitués principalement de vidéoclips, étaient organisés selon les différents genres musicaux et comprenaient des informations musicales, un tour des meilleures discothèques européennes, ainsi que des interviews et des concerts. La chaîne misait profondément sur son ancrage européen : “The Rox Box”, présenté par Ray Cokes et en co-production avec la RTBF, passait en revue l’actualité musicale d’un point de vue belge, “The Music Box Eurochart” était un hit-parade européen, et “North Star”, présenté par Russel Travers, présentait l’actualité et les nouveautés musicales vues de Scandinavie !

La programmation était organisée sous forme d’un package de six heures de programme, repris quatre fois dans la journée : 4×6 = 24, la boucle était bouclée.

Une formule qui a rapidement rencontré le succès

À la fin de l’année 1984, Music Box touchait un million de foyers, et fin 1985, trois millions et demi de foyers, essentiellement dans les pays où le câble était le plus développé, à savoir le Luxembourg, la Belgique, les Pays-Bas, la Scandinavie (Danemark, Suède, Finlande, Norvège) et la Suisse. Dans ces pays, Music Box jouissait d’une certaine notoriété.
Des études d’audience menées en février-mars 1985 aux Pays-Bas et en Suisse ont montré que 41 % des Hollandais âgés de 20 à 34 ans et 59 % des Suisses âgés de 18 à 24 ans regardaient Music Box au moins une fois par semaine.

Une tentative d'implantation sur le marché français


Après l’annonce de l’autorisation des télévisions privées en France, au milieu des années 80, plusieurs groupes audiovisuels ont cherché à s’implanter en France. Le gouvernement français souhaitant réaliser un réseau de chaîne musicale multiville.

Parmi les groupes intéressés, Europe 1 envisageait, début 1985, une chaîne pour les jeunes à dominante musicale et souhaitait s’allier à Music Box pour la réalisation des programmes musicaux. Un projet qui ne se concrétisera pas suite au revirement d’Europe 1.

Un second projet, celui de Virgin France (la maison-mère étant actionnaire de Music Box) a été présenté aux pouvoirs publics en juillet 1985. Intitulé “TVM”, ce projet de télévision musicale ciblait la tranche d’âge des 15-35 ans. Prévue comme une “chaîne de la culture rock”, la programmation devait être essentiellement musicale tout en s’ouvrant au cinéma, à la littérature, à la bande dessinée ou encore à la mode.

Toutefois, Virgin s’est rapidement associé à un autre projet, celui du producteur Jean-Marc Berger, promoteur du projet “Satellite Télévision” (STV). En août 1985, STV a obtenu du gouvernement une autorisation pour lancer un programme de télévision destiné aux réseaux câblés et aux futures stations locales via le satellite Télécom 1. Un accord exclusif a été conclu avec Music Box pour fournir six heures de programmes quotidiens traduits en français. Jean-Marc Berger s’est également engagé à produire 100 à 150 vidéoclips par an, qui seraient repris par Music Box sur son propre réseau et diffusés sur les réseaux câblés européens. Cependant, ce projet “mort-né” ne verra jamais le jour faute de réseaux locaux.

La chaîne musicale de NRJ-Gaumont, TV6, a finalement été choisie pour le réseau multivilles, composée d’un tour de table 100% français, plus rassurant pour les pouvoirs publics. Malgré cela, Music Box a continué son expansion en France en rejoignant de nouveaux réseaux câblés.

Un modèle économique fragile


Financée à 20% par les abonnements et à 80% par la publicité, Music Box a été proposée gratuitement aux réseaux câblés pendant deux ans pour favoriser son implantation. Malgré des coûts de production faibles, la chaîne n’était pas rentable. Les recettes publicitaires, de 4 à 6 minutes par heure, étaient insuffisantes pour atteindre l’équilibre financier. En 1986, la chaîne ne couvrait pas le quart de ses frais : 20 millions de francs de chiffre d’affaires pour 75 millions de coûts d’investissement.

Les studios étaient surnommés “Sauna 1” et “Sauna 2” en raison des plafonds bas, au point que Julian Mounter, directeur de la programmation, “envisageait de n’embaucher que des présentateurs de petite taille” !

En décembre 1985, Thorn EMI s’est progressivement désengagé de l’audiovisuel. Virgin a alors pris 60% des parts, Yorkshire Television 20% et Granada, une autre télévision régionale du réseau ITV, les 20% restants.

Le marché publicitaire européen s’est avéré être une chimère, difficile de vendre des spots pour une dizaine de pays différents, et les annonceurs ne suivaient pas, d’autant plus sur une thématique de niche.

Pendant ce temps, Sky Channel, proposant une programmation plus diversifiée, s’est imposée, desservant seize pays et sept millions de foyers. En octobre 1986, lors du MIPCOM à Cannes, un représentant de Sky Channel a expliqué ce succès par le fait que les programmes musicaux étaient complétés par des séries, des fictions et des sports, affirmant qu’”une télévision 100% musicale ne peut exister que dans un environnement national”.

Face à ses difficultés et à la suprématie de la chaîne de Rupert Murdoch, les actionnaires de Music Box, membres du réseau ITV, ont décidé de lancer Super Channel. Cette nouvelle chaîne pan-européenne, généraliste, proposait en plus de la musique, une sélection de programmes de la BBC et d’ITV. Le capital était réparti entre l’ensemble des franchises ITV et Virgin (15% chacune).

Le 30 janvier 1987, le dernier vidéoclip diffusé fut “Don’t Give Up” de Peter Gabriel et Kate Bush, marquant l’arrêt définitif de la chaîne et le lancement de Super Channel. Music Box est alors devenue un bloc de programmes de la nouvelle chaîne généraliste, avec dix heures de programmation par jour jusqu’en septembre 1987, avant d’être réduite à deux heures par jour entre octobre 1987 et janvier 1990 puis disparaître définitivement. Ainsi s’est achevée la première expérience de télévision musicale pan-européenne.