Match TV
Création le 11 décembre 2001
Disparition le 31 août 2005
Actionnaires
100% – Lagardère Active
Distribution
Canalsatellite | Noos | France Télécom Câble | NC Numéricâble
Match TV : tout le monde avant tout le monde
Au début des années 2000, “Lagardère Active” est bien implantée dans le domaine des chaînes thématiques en étant opérateur de MCM, MCM2, MCM Africa, Canal J, TiJi, La Chaîne Météo ou encore Santé Vie. Le groupe détient aussi une participation de 34% dans Canalsatellite et de 27,42% dans Multithématiques.
À l’affut de nouvelles acquisitions, le groupe se prépare à la future TNT permettant de capter, 36 chaînes, à condition, pour le consommateur, de se doter d’un décodeur. C’est dans ce contexte qu’en juillet 2001, Arnaud Lagardère, président de Lagardère Active, annonce le lancement de Match TV au mois de décembre de la même année, en exclusivité sur Canalsatellite mais surtout être la tête de gondole du groupe pour la future TNT.
Depuis longtemps dans les cartons du groupe Lagardère, cette chaîne se veut être une “télévision de divertissement et d’information avant tout centrée sur l’événement et les aventures humaines, celles des stars et des personnalités mais aussi des anonymes qui font l’actualité”.
Dirigée par Jean-Louis Remillieux, qui produit notamment à cette époque “Sagas” sur TF1, Match TV est dotée d’un budget d’environ 80 millions de francs pour l’année 2002 (12,9 millions d’euros). Peu conséquent par rapport aux grandes chaînes classiques mais bien plus important que les chaînes thématiques mini-généralistes telles que Paris Première ou Canal Jimmy. Elle affiche l’ambition de diffuser 3 heures et demie de programmes frais par jour avec un temps d’antenne de 8h00 à 3h00 du matin.
Une chaîne people semi-généraliste
Les programmes s’organisent autour de trois thèmes : les personnalités, l’art de vivre et l’actualité. Magazines, talk-shows, reportages, séries télévisées (dont des télénovélas achetés à la chaîne brésilienne TV Globo), les films et et les fictions constituent l’essentiel de la grille. On retrouve également la retransmission de cérémonies avec les éliminatoires régionaux de l’élection de Miss France. Le patron de Match TV parlera de chaîne “semi-généraliste” et réfute l’étiquette de chaîne “people”. Ce qui n’empêchera pas de compter parmi ses animateurs de nombreuses personnalités, telles que Stéphane Bern, Alexandra Kazan, Benjamin Castaldi ou encore Frédéric Mitterrand. Match TV se veut être à l’image du magazine éponyme : « audacieuse, créative et profondément culturelle ».
Un lien de parenté avec Paris-Match qui posera un problème au CSA, avant même le lancement de la chaîne. Initialement prévue sous le nom de “Paris-Match TV”, le régularité interdit au groupe Lagardère d’utiliser le nom ainsi que le logo rectangulaire du magazine. En guise de compromis, c’est finalement un logo rond, s’inspirant fortement du “Match” d’avant-guerre, qui est retenu.
Arnaud Lagardère ne cache pas son ambition en termes d’audience avec la volonté que la chaîne s’inscrive parmi les dix premières chaînes thématiques du câble et du satellite.
Un chaîne strass et paillettes
L’ambition du grand patron se dévoilera à l’antenne, dès le lancement de la chaîne, le lundi 10 décembre 2001. Retransmis en direct, les festivités célébrées depuis le restaurant Ledoyen, (située sur les Champs-Elysées à Paris) rassemble plus de 1500 personnes dont une foule de personnalités et de politiques : Alain Juppé, Hervé Bourges, Anne Sinclair, Michel Denisot… L’ancien ministre de la culture Jack Lang déclarera même : “La création de Match TV est une idée si évidente et brillante avec les trésors de documents photographiques de Paris-Match qu’on aurait dû l’avoir plus tôt”. À 19 heures, Gérard Depardieu qui ouvre l’antenne, alors disponible aux abonnés de Canalsatellite et de la plupart des grands réseaux câblés.
Afin de préparer une éventuelle candidature sur la TNT, de nouveaux programmes apparaissent au fil des mois, parmi eux, “Match Magazine”, un magazine de grand reportage présenté par le directeur de la rédaction de l’hebdomadaire Alain Génestar. Le slogan bien connu « Le poids des mots, le choc des photos » laisse la place à un autre : « De l’autre côté des murs ».
Sélectionnée par le CSA pour occuper une fréquence sur la TNT payante dont le lancement est repoussé … début 2005. La grille continuera à se muscler à la rentrée 2002 avec le passage en hebdomadaire de nombreuses émissions mensuelles ou encore l’installation d’une nouvelle case de fiction le lundi soir suivi d’un documentaire de 52 minutes. Des nouveaux animateurs arrivent, Patrick Sabatier, débauché de TMC animera “Trait d’union” un talk-show produit par Serge Maoti visant à permettre des rencontres entre des stars et des anonymes. Cet entre-deux entre l’actualité et le people est alors assumé. Pour son premier anniversaire en décembre 2002, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur a été l’invité vedette de l’émission exceptionnelle diffusée en direction au pavillon Ledoyen à Paris, qui comptait aussi celui qui était alors ministre délégué aux Libertés locales, Patrick Devedjian, l’acteur Jean-Claude Vandamme ou encore l’ex-lofteur Jean-Pascal…
Lagardère recherche désespérément l’opportunité d’une fusion…
Juin 2003, Paris Première est à vendre. Le groupe Suez, propriétaire de la chaîne, souhaite se désengager des médias. Le groupe Lagardère envisage alors de déposer une offre pour racheter la chaîne culturelle “parisienne” avec le projet de la fusionner avec Match TV.
Cette année-là, la bataille entre Canal+ et TPS fait rage, notamment sur les droits premium du cinéma et du sport mais paradoxalement, les chaînes thématiques doivent se serrer la ceinture. En trois ans, une dizaine de nouvelles chaînes ont fait leur apparition dans l’espoir d’être de nouveaux leviers d’abonnement pour les bouquets payants et ainsi être rémunérés en conséquence. La loi du marché étant ce qu’elle est, l’audience est minime pour bon nombre d’entre elles. C’est le cas de Match TV où, malgré les nombreux investissements, l’audience ne décolle pas avec uniquement 0,5% de part d’audience en 2003.
Le groupe TF1 est dans la même problématique, actionnaire à 66% du bouquet TPS et opérateur de nombreuses chaînes : LCI, Eurosport ou encore TV Breizh… Si les deux premières chaînes sont leader sur leur thématique, le cas de la chaîne bretonne est plus problématique. Lancée en 2001 sur le câble et le satellite avec une distribution élargie (sur TPS et Canalsatellite), TV Breizh coûte 12 millions d’euros à ses actionnaires pour un audimat scotché à seulement 0,6%.
Le groupe Pinault, principal actionnaire de la chaîne à hauteur de 27% et le Crédit Agricole (15%) ne souhaitent pas participer à la recapitalisation de la chaîne bretonne qui misait sur l’attribution d’une fréquence hertzienne à Nantes pour doper son audience et ses recettes publicitaires. Second actionnaire, le groupe TF1 est appelé à la rescousse pour monter au capital à hauteur de 40% et imposer une grille de séries télévisées et de films en prime-time afin de relever l’audience. Les autres actionnaires, News Corp. (le groupe de Rupert Murdoch), Fininvest (groupe de Silvio Berlusconi), Artémis (celui de François Pinault) et le Crédit Agricole, ont été dilués.
Il y en a qu'une, c'est la une !
À l’été 2003, TF1 et Lagardère engagent des discussions autour du rapprochement de TV Breizh et Match TV, un protocole d’accord de fusion étant conclu quelques mois plus tard, en janvier 2004.
Un projet qui ne fait pas l’unanimité au sein du groupe Lagardère. Le directeur de la chaîne câblée, Jean-Louis Remillieux, ne cache pas son opposition en affirmant dans la presse que “les rumeurs de fusion entre TV Breizh et Match TV étaient sans fondement”. Il parlera même de “mariage de la carpe et du lapin” entre deux chaînes “très éloignées” au niveau éditorial. Une réaction qui fera réagir jusque dans les rangs de la TF1 où on déclare que « M. Remilleux s’agite dans le vide ». Le groupe Lagardère lui fait savoir, plus sobrement, qu’une “amitié profonde et sincère lie Arnaud Lagardère à Martin Bouygues et Patrick Le Lay”.
Dans la pratique, la fusion entre les deux chaînes est entourée de nombreuses conditions suspensives. Au premier rang de celle-ci, les deux groupes doivent obtenir un accord du bouquet numérique Canalsatellite, distributeur exclusif de Match TV, sur les conditions de la nouvelle chaîne. Également, elle doit obtenir l’aval du CSA, Match TV faisait partie des chaînes retenues pour la TNT. Enfin, elle serait l’occasion d’une modification du capital de Match TV, le groupe Lagardère deviendra actionnaire minoritaire de la nouvelle chaîne. Néanmoins, l’éventuel succès du rapprochement des deux chaînes pourrait inaugurer une collaboration plus accrue entre les groupes TF1 et Lagardère. Les deux alliés étant pour l’un, actionnaire de Canalsatellite et pour l’autre, actionnaire de TPS, ils pourraient s’attaquer à des dossiers plus lourds, telles qu’une fusion entre les deux bouquets concurrents.
Il faut attendre mars 2004 avec la présentation des résultats financiers pour que le groupe Lagardère confirme les discussions avec TF1. Raison invoquée : alléger les actionnaires de ces deux chaînes de leurs pertes, Match TV ayant perdu 7 millions d’euros en 2003.
Première conséquence de ce “début” de rapprochement, Jean-Louis Remilleux décide de quitter toutes les fonctions qu’il occupait au sein de Lagardère Active dont la présidence de Match TV en raison “d’un désaccord stratégique sur l’évolution de la ligne éditoriale”. Il est remplacé par le directeur général adjoint de Lagardère Thématiques et président de Canal J, Claude-Yves Robin.
Celui-ci prépare une grille “plus conforme à l’économie de la chaîne” avec 20% d’économie pour la rentrée 2004-2005. Match TV se recentre sur les “stars”. Dans l’attente d’une éventuelle fusion avec TV Breizh qui traîne, Claude-Yves Robin présente une grille recentrée sur l’actualité des vedettes, considérant que Match TV “avait trop dérivé vers une mini-généraliste”… Exit les émissions peu “people” ou encore Match Magazine, de nombreux animateurs quittent la chaîne. Place aux synergies et à de nouvelles recrues : l’animateur d’Europe 1 Jean-Marc Morandini animera un magazine autour des personnalités ou encore Stéphane Rotenberg pour une revue de presse où les journalistes de la presse “people” sont invités à “défendre leurs choix éditoriaux et à commenter les gros titres de la semaine”.
La fusion se complique
Cependant les discussions entre les deux groupes traînent, Patrick Le Lay annonce en septembre 2004 que les discussions sont réactualisées : “On est en train d’examiner les bonnes conditions pour hâter le processus tant pour le groupe Lagardère que pour nous d’arriver à l’équilibre avec une chaîne généraliste qui a une image, une histoire”. Pour Arnaud Lagardère : un tel rapprochement est “possible (…) On peut dessiner une troisième chaîne qui reprendrait des choses de Match TV et de TV Breizh, qui serait une synthèse. On peut très bien dessiner quelque chose autour de l’axe de Match TV qui est un peu d’informations, un petit côté people, et tout ce qu’a pu faire TV Breizh”.
Dans les faits, de nombreuses divergences existent entre les deux groupes concernant le futur positionnement éditorial de la chaîne et son contrôle opérationnel. Patrick Le Lay fait traîner les négociations en longueur avant d’annoncer, en décembre 2004, leur abandon et la fin du projet de fusion. Entre-temps, la relance de TV Breizh, avec un positionnement plus généraliste et moins régional, s’avère être un succès. L’audience passe de 0,8 % à la rentrée 2004 à 1,3 % début 2005, tandis que celle de Match TV chute à 0,2 %. La reprise en main par Claude-Yves Robin a permis de réduire les pertes, mais n’a pas suffi à remporter la bataille de l’audience.
En octobre 2004, le Conseil d’État invalide six concessions accordées au groupe Canal+ et à Lagardère pour la TNT, suite à une contestation déposée par TF1. Cette décision redistribue les cartes et oblige le CSA à lancer un nouveau processus de consultation publique. Cette situation offre à Canal+ et Lagardère l’opportunité de proposer de nouvelles chaînes.
Dans ce contexte, Lagardère décide de se concentrer sur les secteurs de la musique et de la jeunesse. Deux marchés où il est leader incontesté. Le groupe propose à nouveau la candidature d’i-MCM ainsi que celle d’une nouvelle chaîne jeunesse, Gulliver (rebaptisée Gulli lors de son lancement), en partenariat avec France Télévisions. Les deux propositions sont retenues par le CSA.
En conséquence, le 10 février 2005, Lagardère annonce son intention de renoncer à l’autorisation obtenue pour Match TV sur la TNT. Officiellement, la raison invoquée est le coût de diffusion trop élevée, mais en réalité, cette décision s’inscrit dans le cadre du recentrage stratégique du groupe.
Cela n’empêchera pas la signature en mars 2005, d’un accord pluriannuel (jusqu’en 2008) entre la chaîne des stars et la 20th Century Fox portant sur la diffusion exclusive de 25 heures par an de biographies hollywoodiennes, avec des noms comme Ron Howard, Clint Eastwood ou encore Will Smith.
Néanmoins et de l’aveu même d’Arnaud Lagardère, la chaîne manque de perspectives. Le 19 juillet 2005, le groupe éponyme annonce dans un communiqué l’arrêt de Match TV invoquant la situation financière de la chaîne “significativement déficitaire depuis sa création”.
Les raisons d'un échec
Dès ses débuts, Match TV a souffert d’un positionnement éditorial ambigu, coincé entre l’information, la renommée du magazine Paris Match, et les mondanités, stars et paillettes. Ce dilemme a retardé le lancement de la chaîne, car Match TV ne devait pas être trop “people” sous peine de dégrader l’image de marque de Paris Match. Elle finit par démarrer avec un mélange hétéroclite : Amanda Lear et Stéphanie de Monaco d’un côté, Alain Généstar, Hervé Chabalier et Serge Maoti de l’autre. Cette ligne éditoriale bancale évoluait dans un environnement extrêmement concurrentiel, face à des chaînes mini-généralistes bien établies comme Canal Jimmy ou Paris Première, et à des chaînes ultra-thématisées peinant à s’imposer. Le choix du tout-people à la rentrée 2004 a définitivement dérouté les téléspectateurs.
Pendant plusieurs années, les priorités du groupe ont varié : développement de nouvelles chaînes thématiques à la fin des années 1990, création d’une chaîne semi-généraliste pour préparer l’arrivée de la TNT au début des années 2000, puis retour sur le segment des chaînes thématiques destinées à la TNT gratuite. Match TV a payé le prix du manque de vision stratégique du groupe en matière de télévision et de la crise traversée par les chaînes thématiques au milieu des années 2000.
Match TV cesse d’émettre le 31 août 2005 à 7 heures du matin.