Jimmy
Création le 7 janvier 1991
Disparition le 29 juin 2015
Actionnaires
100% : Groupe Canal+
Distribution
Canalsat | Numéricâble (jusqu’en janvier 2013) | Free (2008-2013) | Orange (2008-2013) | Neuf/SFR (2008-2013) | Bouygues Télécom (2008-2013)
Jimmy : anti-héros en séries
Canal Jimmy, nommée en hommage à l’acteur américain James Dean, a été lancée le 7 janvier 1991 sur les réseaux câblés. Selon la légende, Pierre Lescure et Michel Thoulouze ont constaté une nuit qu’il n’y avait rien à regarder à la télévision et ont décidé de créer une chaîne qui leur ressemble : passionnée de télévision, fan des années 60, folle de voitures, adepte des séries B et imprégnée de musique jusqu’à la moelle.
Très rapidement, Canal Jimmy s’est imposée comme une chaîne urbaine mélangeant films de moto et de surf, chroniques percutantes, concerts de rock mais aussi et surtout de nombreuses séries anglo-saxonnes diffusées en VOST et inédites en France telles que « Dream On », « NYPD Blue », « Absolutely Famous », « Angela », « Friends »… La série étant un genre télévisuel peu exploité par les grandes chaînes, peu coûteux et dont la diffusion en VOST permet de se passer des frais liés au doublage.
Tout au long des années 1990, la chaîne a investi dans de nouveaux programmes : « Destination Séries », présenté par Alain Carrazé et Jean-Pierre Dionnet, consacré à l’actualité des séries sous toutes ses coutures ; « Top Bab », présenté par Philippe Manoeuvre et consacré à la musique ; l’émission trans-générationnelle « T’as pas une idée ? », animée par France Roche ; ou encore « Le Meilleur du Pire », présenté par Pascal Bataille et Laurent Fontaine, qui analysait en plateau les ratages du monde des affaires, du show-biz et de la politique.
Avec un budget de 60 millions de francs les premières années, Canal Jimmy était perçue comme l’innovation la plus percutante et le laboratoire « branché » de la nouvelle alliance des programmes du câble regroupant autour de Canal+, les principaux câblo-opérateurs : la Lyonnaise Câble, la Générale d’Images et Communication et Développement (filiale de la Caisse des Dépôts).
Un succès d’estime qui ne s’est pas forcément traduit en matière d’audience mais qui n’a pas empêché Canal Jimmy de s’exporter à l’étranger. Le 15 novembre 1997, une version italienne de la chaîne a été lancée sur le bouquet « D+ », également détenu par Canal+.
Cette politique de programmation : chroniques, séries et magazines a continué jusqu’à la saison 2000/2001. Cette année-là, plusieurs opérations spéciales ont eu lieu : les élections américaines, les 24 heures du Mans, un marathon « Friends » ou encore une nuit consacrée au cascadeur Rémy Julienne.
Toutefois, l’an 2000 a également été marquée par la fusion entre Vivendi Universal, Seagram et Canal+. Rigueur et rentabilité sont alors devenues les mots clés. De nombreux dirigeants de la chaîne cryptée ont été limogés, y compris Michel Thoulouze, directeur de Canal Jimmy mais aussi de l’international, qui a payé les mauvais résultats de la filiale italienne TéléPiù. Autre conséquence éditoriale : l’objectif était de rapprocher les chaînes du groupe d’Universal. Une des premières étapes a été le reformatage de nombreuses chaînes. Canal Jimmy n’y a pas échappé.
En juin 2001, Sylvie de la Rochefoucault a été nommée directrice de la chaîne. Nouvelle direction, nouvel habillage et nouvelle grille des programmes. Soucieuse d’attirer un nouveau public, Canal Jimmy a abandonné de nombreuses émissions : les magazines sur les motos (« Quatre en un ») ou les voitures des années soixante (« Cambouis ») ont disparu, de même que « T’as pas une idée ? » de France Roche, ou encore les différentes chroniques… C’était une manière d’abandonner l’image d’une chaîne « nostalgique » d’une certaine époque. Des soirées thématiques ont fait leur apparition avec la création d’un prime-time à 20h45 : un film le lundi, des séries connues le mardi et le mercredi, une soirée thématique avec documentaires et reportages le jeudi, le vendredi consacré à la musique avec le magazine « Rock Press Club » animé par Philippe Manoeuvre, le samedi des artistes livrant des anecdotes autour d’anciennes émissions auxquelles ils ont participé et le dimanche consacré aux séries inédites. Pour ne pas trop rompre avec ses « racines », la chaîne a continué cette saison de s’intéresser à d’autres codes d’écriture télévisuelle avec « La Route », le premier road-talk sans impératif ni tabou et « California Visions », qui révélait la face cachée de la Californie.
Ces deux émissions n’ont cependant pas duré longtemps, faute d’audience suffisante.
Canal Jimmy a également adopté une programmation très gay-friendly, ce qui était encore peu commun à la télévision française à cette époque. La chaîne a mis à l’antenne en octobre 2001 « Good as you », le premier magazine culturel gay, co-produit avec la société de production de François Pécheux 2P2L. Tous les thèmes de l’actualité gay étaient abordés : mode, culture, vie quotidienne, sorties, lieux branchés et aussi sexualité. Des séries LGBTQ+ étaient également diffusées, telles que « Metrosexuality », « Six Feet Under » ou encore « Queer as Folk ». Si Sylvie de la Rochefoucault ne revendiquait pas le statut de chaîne « gay » comme beaucoup d’articles de presse le précisaient, elle exprimait le souhait d’aller vers une chaîne « plus tolérante et qui s’intéresse aussi aux autres minorités ».
Cette nouvelle grille a cependant été un échec en termes d’audience, en particulier pour les magazines. La direction de la chaîne expliquait ces résultats faibles par rapport à la notoriété de la chaîne par la consommation « presque exclusivement nocturne » de ses téléspectateurs, ce qui plombait l’audience. Ironie du sort lorsque l’on sait que la chaîne était diffusée en canal partagé avec Canal J, exclusivement le soir sur le câble analogique.
Suite à ces échecs et à la tempête qui a sévi sur le groupe Canal+ et Vivendi Universal en 2002 (notamment avec les limogeages de Pierre Lescure puis de Jean-Marie Messier), l’ensemble des chaînes du groupe Canal+ ont été soumises à d’importantes restrictions budgétaires.
La rentrée 2002 a été l’occasion pour Jimmy de se recentrer exclusivement sur les séries et la fiction, les magazines étant intégralement supprimés de l’antenne. Ce positionnement éditorial est resté en place pendant plusieurs années avec la diffusion de nombreuses séries HBO mais aussi l’apparition de séries cultes « traditionnelles » telles que « Dallas », « L’homme qui valait trois milliards » ou encore « Super Jamie », dans le but d’élargir le public.
Le monde de l’audiovisuel n’étant pas un long fleuve tranquille, l’élargissement de l’offre de chaînes gratuites avec le lancement de la TNT en mars 2005 et l’explosion des chaînes mini-généralistes ont fait de l’ombre à de nombreuses chaînes du câble et du satellite. Toutefois, la perte du catalogue HBO au profit d’Orange Cinéma Séries en 2008 a porté un véritable coup dur à la chaîne du groupe Canal+.
En 2007, la chaîne a pris un nouveau virage éditorial en réintroduisant des magazines et des émissions de flux à l’antenne, avec la promesse d’un ton éditorial « brut ». De nouvelles incarnations ont rejoint l’antenne, notamment le retour de Bataille et Fontaine avec une émission intitulée « C’est off », une émission de « reportages et d’enquêtes » sur des sujets de société, Thierry Ardisson avec « Tout le monde en a parlé » ou encore Bruce Toussaint avec « Breaking News », une fiction d’anticipation sur des sujets d’actualité. Ce positionnement mini-généraliste visait à combler la perte des droits de nombreuses séries inédites, mais il n’a pas duré face à la concurrence accrue des chaînes de la TNT gratuite, terrain sur lequel Canal+ s’est elle-même lancée en octobre 2012 avec le lancement de D8 (actuellement C8).
Le développement des chaînes de la TNT gratuite a obligé de nombreuses chaînes thématiques à se repositionner. C’est une des raisons pour lesquelles Canal+ a réorienté Jimmy en février 2014 vers les séries, et particulièrement vers les « séries aux anti-héros ». Malgré le lancement de Canal+ Séries en septembre 2013, la chaîne cryptée a mis les grands moyens pour la chaîne thématique, diffusée en exclusivité sur Canalsat.
Les émissions et les fictions de seconde zone ont été abandonnées au profit de séries inédites telles que « House of Lies », « Ray Donovan » ou « The Bridge » et de la diffusion des créations originales de Canal+ en deuxième ou troisième fenêtre.
Cependant, ce reformatage a été de courte durée. Le lancement de Netflix sur le marché français en 2014 et le souhait du groupe Canal+ de réorienter ses investissements en matière de séries sur la nouvelle chaîne Canal+ Séries ont enterré Jimmy dont la fermeture a été annoncée en octobre 2014.
La chaîne a cessé d’émettre le 29 juin 2015 en même temps que Sport+, Cuisine+ et Maison+, Canal+ souhaitant réinvestir sur ses chaînes découverte, jeunesse et comédie ainsi que sur la chaîne premium. Malgré tout, nous avons tous eu une série culte sur Canal Jimmy.